Extrait
Pierrot : Moi, je n’ai pas bien compris ce terme, précaire… je suis précaire parce-que je suis vieux, parce qu’une personne vient nous aider, ma femme et moi, à la maison chaque jour, un vrai rayon de soleil cette femme là, toujours à blaguer, parce que je fais tout plus lentement, que j’ai les articulations engourdies, l’arthrose, que le cerveau de ma femme diminue et qu’elle s’éloigne doucement… Dès fois, je l’avoue, je suis agacé : je m’agace de tout ce corps : ces jambes qui ne veulent plus marcher, ces bras qui ne veulent plus porter, ces mains qui ne veulent plus saisir… On devrait pouvoir changer de corps quand le sien est usé.
Brigitte : Pour ma part, je me suis sentie précaire le jour où l’on m’a dit que j’avais droit aux Restos du cœur, « pour me permettre de joindre les deux bouts ! ». Le jour de l’inscription j’ai regardé les autres, comment ils étaient, de quelle maladie ils souffraient comme moi. Je n’ai pas échangé un mot, une signature… je n’ai pas trainé, un légume par si, des yaourts par là, et basta, dehors.
Corinne : C’est vrai que quand tu as de tous petits moyens, c’est loin d’être la vie rêvée, ce n’est sûrement pas les palaces, ce n’est plus la coiffeuse, ni les petites sorties. Et si tu as deux enfants, comme moi, tu te prives pour manger, tu manges seulement les restes de tes enfants. Ils ne doivent manquer de rien, c’est ton bien le plus précieux. C’est glauque tout ça n’est-ce pas ! Je m’en suis sortie de cette période, enfin, un peu. Mais c’est là que je me suis sentie précaire, dans le fait de ne pas être à la hauteur…
Pierrot : … de ne pas t’assumer dans ta vie.